Manger local dans les services de garde éducatifs à l’enfance

Le centre de la petite enfance (CPE) Au pied de l’échelle, qui compte trois installations sur la Rive-sud de Montréal, propose le plus souvent des plats locaux à ses tout petits, un plus qu’il doit en partie au programme Aliments du Québec au menu.

 

Crédit photo : Aliments du Québec au menu
Crédit photo : Aliments du Québec au menu

 

Développé par les organismes Aliments du Québec et Équiterre avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), ce programme vise à aider les institutions, dont les services de garde éducatifs à l’enfance, à cuisiner les aliments d’ici. Une attestation de reconnaissance est remise aux établissements qui servent un menu « bleu ». Celles qui y participent doivent faire l’inventaire des ingrédients qui composent leurs repas et en identifier la provenance. « On a été surpris en faisant l’exercice, se remémore Nathalie Gervais, directrice du CPE Au pied de l’échelle. Énormément de choses venaient en fait de l’étranger, sans qu’on le sache et que nos fournisseurs ne s’en soucient. » Sa plus grande source d’étonnement ? Des framboises importées de Serbie et des poissons de Chine.

Pour pallier ces commandes d’outre-mer, Aliments du Québec remet aux responsables en alimentation des listes exhaustives de compagnies et de produits agroalimentaires vérifiés bleus. Des calendriers révélant quand ils sont disponibles selon les saisons, un livre de recettes, des capsules d’information et bien d’autres ressources pratiques leur sont également partagés. Au CPE que gère Nathalie Gervais, on a ainsi pu trouver sans se casser la tête des fruits, légumes, viandes et pâtes issus de la province. « C’est beaucoup plus facile pour nous, les cuisinières font moins de recherches et gagnent du temps, c’est vraiment aidant », affirme-t-elle.

Crédit photo : Aliments du Québec au menu
Crédit photo : Aliments du Québec au menu

Garderies privées et publiques sont accompagnées, guidées à travers l’offre pour faire des choix éclairés en fonction des périodes de l’année. « L’équipe d’Aliments du Québec au menu a vraiment une super expertise quant à la provenance de ce qu’on mange, croit le nutritionniste Philippe Grand, qui dirige également le service de la saine alimentation de l’Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE). Pour favoriser l’approvisionnement local, elle met à disposition des institutions énormément d’informations, de données sur les fournisseurs, sur les producteurs et sur les produits spécialisés. » Le regroupement encourage ses membres à adhérer au programme, car il permet d’améliorer la qualité de l’offre éducative et d’enrichir l’interaction avec les parents.

Des activités pédagogiques stimulantes

 

Au CPE La Marmicelle, à Saint-Hubert, une banlieue sud de Montréal, on invite les petits gourmands à toucher, observer, sentir, comparer, déguster et cuisiner les légumes d’ici. Ceux-ci découvrent avec émerveillement et amusement qu’une carotte peut avoir deux têtes tout en étant des plus savoureuses, et que la citrouille qu’ils mettent en purée pour en faire des biscuits pousse non loin de leur aire de jeu, et non à l’épicerie. Fillettes et garçons rapportent à la maison leurs apprentissages, témoigne fièrement la gestionnaire des fourneaux Anne-Marie Lebrun : « Les parents viennent nous voir, nous poser des questions, nous demander des conseils, et c’est ça, le plus beau, quand nos efforts pour manger ce qui se fait au Québec ont un impact dans le milieu familial ».

Crédit photo : Petits ambassadeurs de saveurs
Crédit photo : Petits ambassadeurs de saveurs

Autocueillette, sorties à la ferme, ateliers de dégustation, visites de maraîchers… Selon Bénédicte Armstrong, conseillère en communication à la Table agroalimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, la valorisation de la nourriture locale est une niche alléchante ouvrant la porte à toutes sortes d’activités pédagogiques stimulantes. Ces activités contribuent en outre à développer le palais de futurs consommateurs friands de produits frais et d’une économie de proximité, plus écoresponsable.

Le projet Petits ambassadeurs de saveurs, qui sera déployé dans 14 régions du Québec en 2022 par les Tables agroalimentaires régionales, vise à augmenter au maximum l’approvisionnement régional notamment en mettant en relation les milieux de garde avec leurs producteurs voisins et en organisant des activités de réseautage de manière à favoriser l’achat local. Cette initiative a été développée initialement en 2016 par la Table agroalimentaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean, là où les denrées voyagent en moyenne 2 500 km avant d’atterrir dans l’assiette des consommateurs, soit l’équivalent d’environ 10 allers-retours Québec-Montréal. L’accréditation Petits ambassadeurs fonctionne avec un auto-diagnostique fait par le CPE ; une belle façon de comprendre son approvisionnement local tout en apprenant davantage sur les produits d’ici. Les établissements qui adhèrent à l’initiative doivent s’approvisionner auprès des agriculteurs et éleveurs du coin à un certain pourcentage et obtiennent automatiquement la reconnaissance au programme Aliments du Québec au menu, puisqu’un partenariat a été conclu.

Cet automne, l’équipe de La Bambinerie, un CPE membre des Petits ambassadeurs situé dans la ville d’Alma, au Lac-Saint-Jean, a disposé dans la cour 200 potirons achetés chez un cultivateur de la région, afin de convier les familles à une chasse. Chacune devait choisir sa recette préférée de courge dans un livre créé pour l’occasion et la reproduire à la maison. « Après, les pères et les mères venaient me parler, raconte la cuisinière de l’établissement, Isabelle Gagnon. Ils me disaient : on voit ces légumes à l’épicerie, mais on ne sait jamais comment les préparer, c’est merveilleux de le découvrir ! ». Lentement mais sûrement, les initiatives pour faire valoir des produits locaux transforment les habitudes des plus grands.

Crédit photo : CPE La Bambinerie
Crédit photo : CPE La Bambinerie

 

« Les responsables en alimentation acquièrent un rôle d’influenceurs auprès des parents, ce qui est hyper stimulant et gratifiant », met de l’avant Bénédicte Armstrong. Loin d’être réduits à leur fonction de chef, ils ont du plaisir et de la fierté à manipuler des ingrédients québécois frais et de qualité qu’ils affectionnent. À cela s’ajoute un sentiment d’accomplissement découlant de leur participation au développement de l’enfant ; un facteur d’attraction et de rétention qui pourrait s’avérer non négligeable en ces temps de pénurie de main-d’œuvre.

Transformer le réseau alimentaire

 

L’ensemble des intervenants interrogés s’entendent sur une chose : le visage de toute la chaîne de distribution, du producteur jusqu’aux services de garde à la petite enfance, est en train de changer, et pour le mieux. Portés par le programme Aliments du Québec au menu et diverses organisations du secteur, les milieux éducatifs s’intéressent de plus en plus aux récoltes et élevages d’ici, et les demandent davantage. Ce qui n’est pas sans effet : artisans et fournisseurs prennent progressivement conscience que ces institutions, qui rassemblent bien des bouches à nourrir, constituent un marché prometteur. Pour le pénétrer, ils sont enclins à venir en aide à ces derniers en modifiant leur offre pour répondre à leurs besoins spécifiques.

Crédit photo : Aliments du Québec au menu
Crédit photo : Aliments du Québec au menu

Anne-Marie Lebrun célèbre cette ouverture. Elle doit composer avec 17 enfants présentant des allergies et mène presque tous les jours une course contre la montre pour servir repas et collations à l’heure prévue, pour le bien-être de sa clientèle qui a, on le sait, besoin de routine. Certains transformateurs ou entreprises locaux lui proposent des recettes sur-mesure, sans soya, lait, œuf, noix (elle évoque notamment avec passion une mayonnaise dont les gamins raffolent), et son fournisseur coupe, râpe, épluche les légumes québécois qu’elle réclame pour lui faciliter la vie.

Mais certains acteurs traînent de la patte, selon Anne-Marie Lebrun. « Il faut insister pour avoir des produits de la région, parce que ce n’est pas toujours priorisé par les grands distributeurs, déplore-t-elle. Souvent, ils tiennent pour acquis que le prix est plus important pour nous que l’achat local, alors que ce n’est pas le cas pour plein d’institutions. Il faut pousser, demander et redemander. » Pour accélérer le changement, elle souhaite que davantage de CPE joignent le mouvement et embrassent son désir d’opter pour un menu bleu. Elle aimerait donc que ses homologues participent en grand nombre au programme Aliments du Québec au menu.

 

En savoir davantage sur le programme

Aliments du Québec au menu – Institution